Comme cela avait été annoncé la veille par le ministère des Affaires étrangères, Marrakech a accuelli, ce 23 décembre 2023, la première réunion ministérielle de coordination sur l’initiative internationale du roi Mohammed VI pour favoriser l’accès des pays du Sahel à l’Atlantique, à laquelle à l’invitation de leur homologue marocain, Nasser Bourita, les chefs de diplomatie du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad ont fait acte de présence. Et pour le moins, ces derniers ont exprimé un satisfecit unanime à l’égard de l’initiative, qui promet notamment de mettre à leur disposition les infrastructures routières, portuaires et ferroviaires du Maroc, comme cela avait été proposé par le souverain dans son dernier discours de la Marche verte du 6 novembre 2023.
« Cette initiative témoigne de la parfaite connaissance de Sa Majesté le Roi des problématiques du Sahel et de sa proximité avec ses populations. Elle correspond à l’ambition sous-régionale pour les États du Sahel de travailler en synergie pour être un espace davantage intégré et compétitif » , a notamment indiqué le ministre des Affaires étrangères burkinabé, Karamoko Jean-Marie Traoré.
Surtout, ce qui semble le plus plaire chez les responsables des pays sahéliens, c’est que c’est d’un autre pays africain qu’émane l’initiative. Ce qui lui donne une dimension éminemment panafricaine, revendiquée d’ailleurs par le Maroc lui-même. Lors de son intervention à la réunion, Nasser Bourita a ainsi directement renvoyé au plaidoyer de Mohammed VI au 29ème sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA), tenu en juillet 2017 à Addis-Abeba, où le Roi s’était prononcé, dans un discours, en faveur de « l’émergence d’une nouvelle Afrique : une Afrique forte, une Afrique audacieuse qui prend en charge la défense de ses intérêts, une Afrique influente dans le concert des nations » .
« Si les forces du mal terroristes, séparatistes et autres spoilers arrivent à régionaliser leur menace, il n’est pas de raison que les forces du bien ne puissent pas régionaliser la croissance et le développement des populations » , a déclaré Nasser Bourita à Marrakech.
Soit dit en passant, la prise de parole de Nasser Bourita face à ses pairs sahéliens a été d’un grand intérêt en ce qu’elle a permis d’expliciter davantage le paradigme qui préside à l’initiative de Mohammed VI. Le responsable a, à ce propos, décliné ce qu’il a appelé la « triple conviction qui sous-tend l’approche royale » , avec la décomposition suivante :
- Première conviction : « Pour le Souverain, le Sahel n’est pas – et n’a jamais été – une région comme une autre, encore moins une simple aire de transition entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. »
- Deuxième conviction : « Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, a toujours cru au potentiel des pays du Sahel. Là où beaucoup voient des problèmes, Sa Majesté le Roi voit des opportunités. Là où d’aucuns parlent de désespoir, Sa Majesté le Roi décèle le potentiel, et là où certains optent pour des solutions de facilité, Sa Majesté le Roi préconise les traitements de fonds pour développer des solutions réelles. »
- Troisième conviction : « Sa Majesté le Roi défend que le développement est la clé des problèmes du Sahel. » Un dernier point qui fait écho à celui soulevé par Mohammed VI dans son discours de la Marche verte, à savoir que « pour résoudre les difficultés et les problèmes auxquels se trouvent confrontés les États frères du Sahel, la solution ne peut être exclusivement sécuritaire ou militaire, mais elle doit se fonder sur une approche de coopération et de développement commun » .
Maintenant, comment va concrètement être mise en oeuvre l’initiative de Mohammed VI ? Ce qui ressort d’abord c’est qu’une task force nationale va être mise en place dans chacun des pays qui ont participé à la réunion. Ces task forces auront pour objectif, selon le communiqué final de la réunion de Marrakech, de préparer et de proposer les modalités d’opérationnalisation, en vue de soumettre, « dans les meilleurs délais » , un ensemble de propositions à Mohammed VI ainsi qu’aux chefs d’État du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Tchad.
Parmi les propositions qui devraient certainement être mises sur la table, celle d’un volet commercial et douanier pour compléter celui de la mise à niveau des infrastructures. C’est en tout cas ce à quoi appelé, dans sa déclaration aux médias, Karamoko Jean-Marie Traoré.
Enfin, la Mauritanie, qui n’était pas présente à la réunion de Marrakech, devrait elle aussi se joindre à l’initiative. Nasser Bourita a révélé qu’il s’en était droitement ouvert, en marge du Forum de coopération Russie-monde arabe dont les sixièmes travaux s’étaient également tenus dans la cité ocre le 19 décembre 2023, à son homologue mauritanien, Mohamed Salem Ould Merzoug. « La réussite de cette initiative ne peut se concevoir sans une implication constructive, positive et concrète de la Mauritanie » , a estimé Nasser Bourita.