La Confédération marocaine des très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) l’a clairement mauvaise. Et pour cause.
Dans un communiqué en date du samedi 30 décembre 2023, elle s’est ouvertement attaquée au gouvernement Aziz Akhannouch, auquel elle reproche ce qu’elle qualifie de « répartition injuste des ressources » qui, à ses yeux, « creuse le fossé entre le patronat et les TPE-PME menacées de faillite en grand nombre » dans le cadre du projet de loi des finances (PLF) adopté le 7 décembre 2023 par le Parlement.
« Le projet de loi des finances 2024 ne contient aucune mesure spécifique visant à accompagner et sauver les TPE-PME marocaines, ce qui suscite des préoccupations légitimes étant donné que de nombreuses petites entreprises sont déjà menacées de faillite » , dénonce-t-elle.
En gros, voici ce que reproche exactement la CMTPE-PME à l’Exécutif :
- De ne pas avoir renouvelé les programmes de financement Forsa et Intelaka, qui, pour elle, constituent « de véritables réussites » . S’attardant notamment sur Forsa, qui fait actuellement l’objet d’un rapport en cours de réalisation de la part de la Cour des comptes, la CMTPE-PME indique que plutôt que de l’arrêter, ce programme devrait plutôt se voir « renforcer » et « relancer avec des montants significatifs de 200.000 DH ou 250.000 DH par projet, compte tenu de la forte demande des jeunes et de l’engouement suscité par ce programme auprès des jeunes entrepreneurs » . « Nous pouvons affirmer que le programme Forsa est l’un des mieux adaptés aux porteurs de petits projets, mais il convient de revoir les critères de sélection des incubateurs ainsi que les outils de communication et de gouvernance » , insiste la Confédération.
- De faire l’impasse sur l’article 156 du décret relatif aux marchés publics, qui réserve 20% du montant prévisionnel des marchés de travaux, de fournitures et de services à la PME.
- D’augmenter l’impôt sur les sociétés (IS) pour les TPE-PME de 10% à 15% pour 2024 et 20% pour 2026, alors que, souligne-t-elle, « on trouve des grandes entreprises qui bénéficient d’exonérations d’impôt sur les sociétés, de la TVA et de l’impôt sur le revenu, en plus d’incitations financières et foncières » . À ce propos, la CMTPE-PME cite « plus de 292 mesures en faveur des grandes entreprises et du patronat, prétendument pour stimuler l’investissement, la création d’emplois et encourager le made in Morocco » .
Sans compter, en outre, « les lourdeurs administratives, les délais d’obtention des autorisations et la lenteur dans la mise en œuvre des différentes lois et programmes, y compris la digitalisation » .
Quand cela s’ajoute, par ailleurs, à la hausse des prix du carburant, celle du taux directeur (passé à 3% le 23 mars 2023, alors qu’il était encore de 1,5% neuf mois plus tôt) ainsi que la sécheresse, on en arrive à une situation où, écrit la CMTPE-PME, « plus de 25.000 TPE ont fait faillite en 2022, entraînant la perte de dizaines de milliers d’emplois » , alors même que 250.000 autres TPE seraient menacés de mettre la clé sous le paillasson, notamment les cafés et les restaurant – d’ores et déjà 8.964 fermetures – mais aussi dans le BTP, l’industrie, le tourisme, l’artisanat, les services, le commerce ou encore le transport.
« La moitié de ces TPE et emplois ont été transférés vers le secteur informel, qui emploie désormais 77,3% Maroc » , alerte la CMTPE-PME, en citant le rapport « Informality and Inclusive Growth in the Middle East and North Africa » publié le 28 juillet 2023 par la Banque mondiale.
De ce fait, la CMTPE-PME estime que le gouvernement devrait faire plus pour les TPE-PME.
Par rapport au financement par exemple, elle avance qu’avec une enveloppe de 100.000 DH allouée dans le cadre de Forsa ou d’Intelaka, une TPE-PME est en mesure d’employer une à deux personnes, alors qu’il aurait fallu, en moyenne, 6,1 millions de DH (MDH) par nouvel emploi créé par un des 58 projets approuvés en 2022 par le gouvernement Aziz Akhannouch au sein de la commission des investissements (et dont le montant total avait atteint 107 milliards de DH (MMDH), pour un nombre d’emplois de 17.500 seulement à en croire la CMTPE-PME).
Enfin, la CMTPE-PME considère que la Direction générale des impôts (DGI) et la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) devraient être moins « discriminatoires » à l’égard des TPE-PME, dans la mesure où elles « contrôl[ent] systématiquement toutes les TPE-PME, tandis que les grandes entreprises sont exclues » .
« Il est bien connu que la CNSS doit 67 MMDH au patronat, mais aucune pression n’est exercée sur ces grandes entreprises pour récupérer cette somme. Au contraire, ce sont toujours les TPE-PME qui sont dans leur ligne de mire » , accuse-t-elle.
Et d’appeler la DGI et la CNSS « pour qu’elles traitent les TPE-PME avec la même prudence qu’elles le font avec le patronat » .
Le 20 juin 2023 à Rabat, le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, avait annoncé le prochain déploiement du nouveau programme gouvernemental « Ana Moukawil » , qui vise à financer pas moins de 100.000 porteurs de projets, y compris des TPE.
Selon ce qu’il avait aussi indiqué le 14 novembre 2023 lors de son passage à la Chambre des conseillers, « Ana Moukawil » devrait mobiliser un budget de 600 MDH à l’horizon 2026 et doit notamment permettre de fournir des prestations de conseil d’un coût allant jusqu’à 100.000 DH, avec une moyenne de 20.000 DH, pour chaque petite entreprise.
« Le gouvernement est en train d’élaborer un projet de décret sur l’octroi de subventions aux entreprises souhaitant investir et ce, dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle charte de l’investissement » , avait-il révélé.
Mais pas de quoi donc convaincre la CMTPE-PME.