C’est dans la quasi discrétion qu’une délégation militaire marocaine s’est récemment rendue en Arabie saoudite.
Menée par le général de brigade Saïd Dafal, elle a notamment été reçue, le 19 décembre 2023, par le PDG de l’entreprise Alsalam Aerospace Industries, spécialisée dans l’industrie aérospatiale et de défense, comme celle-ci l’a elle-même annoncé le jour même sur « X » .
Et il semble que c’est la même délégation qui a visité, le lendemain, le siège de Wahaj, qui opère dans le même secteur qu’Alsalam.
Dans un tweet elle aussi, Wahaj a, certes, seulement parlé de la réception d’ « une délégation de haut niveau » en provenance du Maroc, sans publier, contrairement à Alsalam, la moindre photo. Mais au vu de la proximité des dates et aussi des sujets traités, on peut comprendre que c’est le général Said Dafal et ses hommes qui étaient encore de la partie.
Avec les dirigeants d’Alsalam, il a, ainsi, été question de se mettre au courant des « capacités de fabrication et de maintenance pour les avions militaires » de la firme. Tandis que Wahaj a évoqué « les moyens de coopération pour renforcer et développer les capacités de défense entre les deux pays » .
À noter que Wahaj a indiqué que lors de son entrevue avec la délégation marocaine, des représentants du ministère de la Défense saoudien et de l’Autorité générale pour les industries militaires (GAMI) étaient présents. Et si Alsalam ne l’a pas fait, il n’est pas à exclure que cela ait également été le cas. La précision est importante, surtout, comme on le verra, pour la GAMI.
À ce propos, il faut rappeler que depuis décembre 2015, les Forces armées royales (FAR) et leurs homologues des Forces armées saoudiennes sont liées par un accord de coopération militaire et technique. Cet accord couvre les domaines de la formation, l’industrie de défense, le soutien logistique, le transfert de l’expertise militaire, les prestations médicales militaires et l’échange de visites.
Mais quelle signification donner à la nouvelle visite de la délégation marocaine en Arabie saoudite ? S’agit-il de passer des contrats d’armements ? C’est une première hypothèse à étudier.
La deuxième hypothèse mènerait plutôt à un intérêt marocain pour l’implantation d’industriels saoudiens au Maroc. Une information dont on parle depuis janvier 2016 déjà, le défunt quotidien arabophone « Al-Massae » ayant alors affirmé que l’Arabie saoudite s’apprêtait à injecter 22 milliards de dollars dans l’industrie militaire marocaine. Finalement une fake news, comme l’avait alors démonté le journal électronique « Le Desk « . Qui plus est, le Maroc ne disposait pas encore de cadre réglmentaire pour pouvoir produire des armes chez lui. Mais c’est, comme on le sait, chose faite depuis l’adoption, en conseil des ministres en juin 2021, du décret d’application de la loi relative aux matériels et équipements de défense et de sécurité, aux armes et aux munitions.
Ce qui crédite aussi la deuxième hypothèse, c’est la participation de la GAMI au moins aux entretiens avec Wahaj, et le plus probable est que c’est elle qui a en fait été aux manettes.
Mise en place en août 2017, la GAMI est chargée de réguler et de développer le secteur industriel militaire en Arabie saoudite et joue également un rôle crucial dans la mise en œuvre de la stratégie de défense nationale saoudienne, en veillant à ce que les industries militaires saoudiennes soient compétitives, diversifiées et efficaces. En outre, la GAMI œuvre pour l’autonomie de l’Arabie Saoudite dans la production d’équipements militaires et contribue à la modernisation et à l’innovation dans le domaine de la défense.
Tout un programme, que le Maroc rêverait, quoiqu’il en soit, bien de mener depuis ses propres terres, avec la participation de compagnies comme Alsalam et de Wahaj, ou peut-être, mieux, la mise en place d’émules marocains.