Directeur de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP), Abdeljalil Bouzouggar a participé, le 12 décembre 2023 au siège de l’UNESCO à Paris, à un hommage au paléontologue et paléoanthropologue français Yves Coppens. Les deux hommes se sont notamment fréquentés au sein du Comité scientifique international du Musée d’Anthropologie préhistorique de Monaco, dont Abdeljalil Bouzouggar est membre, tandis qu’Yves Coppens en a assuré la présidence jusqu’à son décès advenu en juin 2022 dans la capitale française même.
À l’occasion de cet événement, Abdeljalil Bouzouggar a proposé de procéder à une nouvelle périodisation de la préhistoire de l’Afrique du Nord, à la lumière des découvertes archéologiques effectuées dans la région et plus particulièrement au Maroc, comme il l’a détaillé dans des déclarations diffusées ce vendredi 22 décembre 2023 par le journal électronique « Hespress ».
Ainsi pour lui, les divisions actuelles, largement héritées de l’époque coloniale, font que l’Afrique du Nord préhistorique est de façon générale présentée comme une simple extension de l’Europe et de certaines parties du Moyen-Orient, alors même que les programmes et les recherches menées notamment depuis les années 1990 – une période de foisonnement aussi bien quantitatif que qualitatif selon Abdeljalil Bouzouggar – ont clairement établi que cette phase revêtait une dimension éminemment locale, et qu’au contraire ce sont les autres régions qui ont pu être influencées par ce qui se passait anthropologiquement et culturellement dans le septentrion du continent.
Parmi les éléments qui créditent son propos, la période allant de 300.000 à 145 000 avant l’ère commune, qui, a-t-il expliqué, a été une période d' »effervescence qui a influencé toute l’Afrique et de grandes parties du Moyen-Orient » ; celle après 145.000, pour laquelle on a notamment retrouvé des bijoux – ceux par exemple de la grotte de Bizmoune, découverte à laquelle Abdeljalil Bouzouggar avait, soit dit en passant, lui-même participé -, ou encore la période après 22.000, témoin en Afrique du Nord de la plus ancienne opération chirurgicale au monde et les plus anciens signes de sédentarisation, « c’est-à-dire le choix de l’Homme pour un mode de vie sédentaire et son abandon progressif du nomadisme ».
Ironiquement, cette période après 22.000 est appelée par la communauté scientifique… ibéromaurusienne, comme quoi les Maures locaux auraient été forcément impactés par les populations de la péninsule Ibérique (actuels Espagne et Portugal).
« Nous sommes maintenant en train d’organiser un colloque pour renommer, non seulement cette période (ibéromaurisienne, ndlr), mais aussi pour changer la dénomination de nombreux termes ; car ils portent de lourdes connotations », a indiqué, à ce propos, Abdeljalil Bouzouggar.